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Jean Mainil, Livres rêvés: merveilles de l’écriture et de la lecture dans le conte de fées (1690–1788). Par Céline Benoit, French Studies, Volume 78, Issue 2, April 2024, Page 340, https://doi.org/10.1093/fs/knae013
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Cet essai propose une analyse détaillée de la présence de ‘pratiques lettrées’ dans le conte de fées de l’Ancien Régime, depuis ses origines jusqu’à la Révolution française. Il vient compléter un corpus d’analyses antérieures de l’écrit dans le roman et dans le conte. Son originalité consiste dans le fait qu’il se concentre exclusivement sur le corpus merveilleux et qu’il inclut, au-delà des pratiques lettrées bien connues telles que la lecture et l’écriture d’ouvrages connus, la pratique sociale et culturelle d’échanges épistolaires et la présence de ‘lieux lettrés’ tels que les bibliothèques ou archives (souvent imaginaires). Les ‘pratiques lettrées’ qui font l’objet de cette analyse vont donc bien au-delà d’écrits publiés: elles s’étendent au domaine plus intime de la correspondance et de l’écriture personnelle. L’inclusion de telles pratiques est essentielle dans une analyse du conte, genre nouveau et qui s’invente au fil des publications qui commencent dans les années 1690. L’écriture et la lecture de contes non publiés qui figurent dans les récits-cadres sous forme de cahiers manuscrits constituent par exemple une partie intégrante de la poétique de distanciation des contes d’Aulnoy. Les trois parties centrales de cet essai analysent méticuleusement la présence et les fonctions de ces pratiques lettrées, respectivement dans ‘le livre en tant qu’objet’, les échanges épistolaires et tout lieu de collecte d’écrits; les usages et les transpositions de la lecture dans le merveilleux; et, pour conclure, dans le contexte diachronique du roman courtois, ensuite pastoral, et de la nouvelle galante. Cet essai est le bienvenu dans le corpus critique consacré au conte de fées littéraire dans la mesure où le conte de fées est par essence un genre à la fois intertextuel et métatextuel — parfois ironique, souvent parodique —, tant dans ses origines que dans ses développements plus tardifs (le conte dit ‘oriental’ ou ‘libertin’). Les riches analyses de contes et de paratextes présentes ici rendent bien compte de l’omniprésence de pratiques lettrées dans leur dimension poétique (les récits-cadres) mais aussi physique. Elles montrent à quel point le conte de fées, dès son émergence, a pour ambition de s’identifier en tant que genre résolument littéraire. Ce livre offre un panorama complet de la présence de l’écrit dans un genre qui a, certes, peut-être des origines orales, mais reste un des monuments les plus visibles, voire tenaces, de la culture littéraire de l’Ancien Régime. Il intéressera tant les amateurs de féerie et de son histoire, que les passionnés d’histoire de la littérature et du livre.