Ce nouvel opus de Michel Wasserman vient compléter sa série d’études sur la période japonaise de Paul Claudel, Ambassadeur de France à Tokyo de 1921 à 1927. L’auteur se concentre d’abord sur les institutions culturelles que Claudel a contribué à fonder dans l’Archipel — à savoir la Maison franco-japonaise de Tokyo (MFJ) et l’Institut franco-japonais du Kansai (IFJ), respectivement ouverts en 1925 et 1927 —, ainsi que sur leur postérité. Convaincu que la compréhension des peuples étrangers ‘ne s’acquiert pas dans les livres’ et ‘qu’on ne peut les connaître sans un contact intime et continuel avec eux’ (cité, p. 46), comme il l’indiquait dans son discours inaugural de la MFJ en décembre 1924, l’ambassadeur-poète révéré pour son aura littéraire à son arrivée dans le pays mit lui-même en application ce principe en multipliant les projets de collaboration avec des artistes et mécènes locaux au cours de son séjour. Au-delà des édifices culturels créés, d’une remarquable pérennité, Wasserman souligne bien tous les liens existant ainsi entre son action diplomatique énergique et son œuvre fortement inspirée par le Japon durant cette période, ainsi qu’en témoignent La Femme et son ombre (1922), pièce écrite pour le Théâtre impérial de Kabuki, L’Oiseau noir dans le Soleil levant (1926), Cent phrases pour éventails (1927) et le Soulier de satin, pièce fleuve parue en 1929, après que Claudel ait quitté le Japon. La question du japonisme et de l’exotisme de l’écrivain constitue à cet égard un enjeu constant, d’un point de vue esthétique et plus largement. Wasserman remarque par exemple à propos du mode de fonctionnement imaginé pour la MFJ — ‘contenant’, c’est-à-dire les bâtiments et leur gestion, à la charge de la partie japonaise, et ‘contenu’ scientifique sous la responsabilité du personnel français — qu’‘on est en droit de ne pas apprécier les relents de colonialisme qui se dégagent d’une telle conception’ (p. 29). Le troisième chapitre du livre est ensuite consacré aux terribles difficultés matérielles puis politiques rencontrées par l’IFJ de Kyoto durant la Deuxième Guerre mondiale, avant que l’auteur ne revienne plus longuement dans le dernier chapitre (et dans un entretien en annexe) sur la fondation de la Villa Kujoyama, qu’il a lui-même supervisée en sa qualité de Directeur de l’IFJ du Kansai (1986–94), et dont il a également assuré la direction à ses débuts. S’inspirant du modèle de la Villa Médicis de Rome, cette résidence d’artistes conçue par l’architecte francophile Kunio Katô, grand admirateur de Le Corbusier, et érigée en 1992 sur le site du bâtiment originel de l’IFJ sur une colline excentrée de Kyoto, mène depuis près de trente ans un ambitieux programme d’échanges artistiques entre la France et le Japon; le récit de sa genèse est ici passionnant. Acteur et témoin important de l’action culturelle française dans l’Archipel, Wasserman réalise dans ce bel ouvrage d’érudition précis et bien documenté un effort de contextualisation efficace en se référant à de nombreuses archives — qui donnent parfois lieu à des passages arides et quelques répétitions —, et en citant amplement des textes et discours de Claudel, dont le lointain héritier qu’il est dresse un portrait admiratif.

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