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Société canadienne de pédiatrie, groupe de travail sur la santé numérique, Ottawa (Ontario), Les médias numériques : la promotion d’une saine utilisation des écrans chez les enfants d’âge scolaire et les adolescents, Paediatrics & Child Health, Volume 24, Issue 6, September 2019, Pages 409–417, https://doi.org/10.1093/pch/pxz096
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Résumé
Les médias numériques font partie du quotidien des enfants et des adolescents. Ils comportent des bienfaits potentiels et des risques pour leur apprentissage, leur santé mentale et physique et leur vie sociale. Le présent document de principes aborde les effets cognitifs, psychosociaux et physiques de ces médias sur les enfants d’âge scolaire et les adolescents, notamment sur les habitudes, le contexte et les activités de la famille. Les conseils fondés sur des données probantes destinés aux cliniciens et aux familles reposent sur quatre principes : une gestion saine, une utilisation constructive, un exemple positif et une surveillance équilibrée et éclairée du temps d’écran et des comportements s’y rapportant.
HISTORIQUE
Les médias numériques font partie du quotidien des enfants et des adolescents. Les dispensateurs de soins se font souvent demander quels sont les effets de l’utilisation des écrans sur la santé mentale et physique et sur la vie familiale. Selon des données probantes à jour, les médias numériques ont des effets différents sur la cognition, le fonctionnement psychosocial et la santé physique, et leurs bienfaits et leurs risques sont nuancés. Le présent document de principes fournit aux cliniciens des conseils fondés sur des données probantes sur la promotion de l’utilisation saine des écrans chez les enfants d’âge scolaire (de cinq à 12 ans) et les adolescents (jusqu’à 19 ans). Il fait suite à un document de principes de la SCP sur l’exposition des enfants d’âge préscolaire aux écrans (1).
« Temps d’écran » désigne le temps passé devant un écran, y compris les téléphones intelligents, les tablettes, les téléviseurs, les jeux vidéo, les ordinateurs et les technologies portables.
« Médias numériques » désigne le contenu transmis par Internet ou les réseaux informatiques dans tous les appareils, sauf lorsqu’un appareil précis est indiqué.
Les auteurs ont procédé à une analyse bibliographique dans les bases de données de Medline et de la Bibliothèque Cochrane de janvier 2013 à février 2019 à l’aide des termes digital media OU screen time ET physical health, mental health et psychosocial. Ils ont appliqué des limites relatives à l’âge (de cinq à 19 ans), à la langue (anglaise) et aux publications (depuis six ans), et ont circonscrit leurs recherches aux articles de revues, aux analyses, aux analyses systématiques et aux méta-analyses. Ils ont également effectué des recherches dans la documentation parallèle extraite de sites Web d’associations de pédiatrie et de psychologie et de listes de références et ont tiré de l’information de la recherche sur les écrans et d’organisations de défense d’intérêts du Canada, de l’Europe et des États-Unis.
Les comportements néfastes en ligne, tels que le sextage et la cyberintimidation, dépassent la portée du présent document. Et même si on associe l’utilisation importante des écrans à des troubles neurodéveloppementaux sous-jacents ou peut-être non diagnostiqués (2,3), ses bienfaits potentiels et ses risques pour les personnes atteintes de ces troubles dépassent également la portée du présent document.
LES ENFANTS D’ÂGE SCOLAIRE : LES EFFETS SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA SANTÉ MENTALE
Les trois quarts des parents canadiens s’inquiètent du temps que les enfants passent à utiliser les médias et signalent que 36 % de leurs enfants de dix à 13 ans passent au moins trois heures par jour devant leurs appareils numériques pour autre chose que le travail scolaire (4). Selon un sondage national réalisé en 2013, le tiers des élèves de la quatrième à la onzième année s’inquiètent également du temps qu’ils passent en ligne (5). Les enfants d’âge scolaire sont pourtant de plus en plus appelés à utiliser les médias numériques à la maison et à l’école (6). Les habitudes médiatiques changent tout au long de l’enfance (7). En effet, le temps consacré à regarder la télévision éducative atteint généralement un pic pendant la période préscolaire, mais quand les enfants arrivent à l’âge de huit ans, ce sont la télévision récréative, les jeux vidéo et les médias sociaux qui grugent habituellement leur temps de loisirs (7,8).
Les bienfaits potentiels
Les émissions câblodiffusées ou en ligne qui sont adaptées à l’âge, regardées en famille et associées à des objectifs et des limites peuvent être des expériences d’écran immersives et informatives (9,10).
Les médias sur écran peuvent améliorer la performance scolaire des enfants, enrichir leurs connaissances, accroître leur littératie et les aider à entretenir des relations positives avec leurs enseignants et leurs camarades (11–13). Les émissions et les approches numériques peuvent favoriser à la fois l’apprentissage autonome et coopératif et stimuler la curiosité (13,14). Des logiciels dynamiques et des applications et des jeux de qualité peuvent accroître les compétences et réduire les lacunes en mathématiques (15,16).
Les jeux vidéo coopératifs et compétitifs, joués en famille et entre amis, peuvent occuper la même fonction que les jeux traditionnels et contribuer au développement de l’identité, de la cognition et de la socialisation (7,17–19). Bien des enfants, et particulièrement les garçons, socialisent régulièrement par les jeux en ligne (5,7). Certains jeux vidéo s’associent à un meilleur sentiment de bien-être, à un comportement prosocial et à une diminution des troubles des conduites (19,20).
Une faible utilisation récréative du temps d’écran (une heure par jour) est reliée à un risque de dépression moins élevé que l’absence de temps d’écran (21).
La technologie numérique peut aider les enfants à former et entretenir des amitiés, et selon des recherches préliminaires, ces relations peuvent être plus diversifiées et moins sexospécifiques que celles hors-ligne (22).
Les risques
L’exposition à un contenu violent ou non adapté à l’âge, la présence d’un téléviseur dans la chambre à coucher et la télévision allumée en arrière-plan peuvent entraver le développement et le comportement (23,24). L’écoute de la télévision plus de trois heures par jour à l’âge de cinq ans est prédictrice d’une augmentation des troubles des conduites à l’âge de sept ans (25). On constate des taux plus élevés d’utilisation récréative des écrans chez les enfants qui ont des symptômes dépressifs plus marqués et qui font moins d’activité physique (26).
Les élèves issus de minorités et marginalisés peuvent avoir moins accès à des ressources d’apprentissage de qualité par Internet (qui stimulent une participation active, créative et critique plutôt qu’une consommation passive) ou aux appareils nécessaires pour les consulter (6). Ce ne sont pas toutes les familles ou les écoles qui possèdent les ressources nécessaires pour effectuer la curation de contenu et limiter l’utilisation des écrans chez les enfants. Dans l’ensemble, les élèves et les familles défavorisés sur le plan économique ou issus de minorités consomment beaucoup plus de médias (27–29).
À la maison, les enfants d’âge scolaire utilisent souvent une tablette ou un ordinateur familial commun, placé dans un lieu central, pour faire leurs devoirs, jouer à des jeux vidéo ou socialiser, mais deux récents sondages canadiens ont révélé qu’ils sont souvent laissés sans supervision (4,5). Au-delà des occasions ratées d’apprentissage, de jeu et d’interaction avec la famille, l’utilisation des écrans en solitaire accroît le risque d’exposition à un contenu négatif ou néfaste (4,5). De plus, d’après les recherches, les enfants peuvent avoir trop confiance en leur capacité à se protéger en ligne (5).
Même si la division de l’attention entre deux ou trois appareils utilisés simultanément (la « multiplication d’activités médiatiques ») rend l’apprentissage particulièrement difficile (30), les enfants de cinq à huit ans s’y essaient régulièrement (31). La multiplication des activités médiatiques a un effet négatif immédiat à la fois sur l’apprentissage concomitant (en classe ou à la maison) et les résultats scolaires des enfants de 12 ans et moins. Elle peut nuire à l’efficacité de lecture, à la résolution de problèmes et à la confiance de l’enfant en ses propres capacités à faire ses devoirs (32–34).
Les recherches sur les enfants plus jeunes font ressortir une plus forte association entre les symptômes dépressifs et les activités récréatives sédentaires devant un écran, et ces enfants semblent être plus vulnérables que les adolescents aux effets sociocognitifs négatifs découlant d’une importante utilisation des écrans (26,35).
LES ADOLESCENTS : LES EFFETS SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA SANTÉ MENTALE
Le temps d’écran est un facteur déterminant de la recherche sur la saine utilisation des médias. Si les élèves du secondaire de l’ensemble du Canada ressemblent à leurs homologues de l’Ontario et de l’Alberta, ils passent plus de 7,5 heures par jour devant divers écrans, et 20 % passent au moins cinq heures par jour seulement dans les médias sociaux (36,37). Cependant, selon les recherches, les adolescents sont moins vulnérables aux effets négatifs d’une utilisation marquée des écrans (plus de six heures par jour) que les enfants plus jeunes (17,21,38). Chez les adolescents, la non-utilisation des médias ou leur usage excessif peut être associé à des effets négatifs, tandis que leur usage modéré (généralement entre deux et quatre heures par jour) est lié à certains bienfaits cognitifs et psychosociaux (11,17,39–41). Le type d’écran (jeu vidéo, télévision, téléphone intelligent, ordinateur) et le moment où l’écran est utilisé (semaine ou fin de semaine) ont divers effets non linéaires sur le bien-être mental (39,42). Le contenu, le contexte et les caractéristiques individuelles font partie des autres facteurs déterminants pour évaluer les effets de l’utilisation des écrans. Les données probantes n’établissent pas clairement si la plus grande utilisation des technologies peut diminuer le bien-être ou si c’est la diminution du bien-être qui entraîne une plus grande utilisation des technologies. Certains facteurs non comptabilisés touchent probablement à la fois l’utilisation des technologies et le bien-être des adolescents (42).
Le monde numérique peut avoir une incidence sur de nombreuses étapes de l’adolescence, y compris les liens sociaux avec les camarades, le sentiment d’identité, l’indépendance par rapport à la famille, l’exploration du monde socioculturel et l’acquisition de l’autonomie (17,29,43–45). Une présence constante en ligne peut toutefois contribuer à des sentiments d’aliénation et d’exclusion sociale. Les principaux mécanismes de développement de l’amitié et de l’identité, comme la révélation de soi (10,29,46,47) et l’expérimentation de nouvelles identités ou de nouveaux rôles, peuvent avoir une influence positive ou négative sur les relations en ligne. Un adolescent sur dix déclare « souvent » utiliser Internet pour « prétendre être quelqu’un d’autre » (44). Pourtant, la plupart des études et des sondages indiquent que les adolescents communiquent beaucoup plus en ligne avec des amis hors-ligne qu’avec des étrangers et que, dans l’ensemble, leurs comportements et leur présentation de soi en ligne reflètent fidèlement leurs activités, leurs intérêts et leur personnalité hors-ligne (44,48,49).
Les parents questionnent souvent les dispensateurs de soins sur les effets du temps d’écran et de l’utilisation des technologies sur la vie familiale. Une analyse transversale d’adolescents de 12 à 18 ans a révélé que même si le temps consacré aux technologies numériques modifiait les relations directes avec les parents, il ne réduisait pas la qualité des relations entre les parents et l’enfant (17,44,45,49). Selon des recherches plus récentes, lorsque les relations sont solides hors-ligne, les nouvelles technologies y apportent des bienfaits supplémentaires (10,49,50) et les contacts fréquents en ligne semblent renforcer les relations entre les parents et l’adolescent (44,50,51). Les parents déclarent que les plus grandes sources de conflit au sujet des médias tournent autour du temps passé devant les écrans et des règles quant au moment et à la manière d’utiliser les appareils (4).
Les bienfaits potentiels
L’amitié est la principale source de motivation de la vie des adolescents en ligne. Ainsi, les adolescents plus âgés communiquent surtout avec des amis hors-ligne, et les adolescents plus jeunes sont plus ouverts à se faire de nouveaux amis en ligne (47). L’utilisation des médias semble améliorer l’image de soi des adolescents, car elle accroît la qualité perçue des amitiés (35,44,48,52). On pense de plus en plus que des « contacts » constants par le textage, la messagerie instantanée et les réseaux sociaux comblent un « besoin d’appartenance » ancré dans le développement (53).
Les médias sociaux peuvent avoir un effet de validation, lorsque les camarades parlent de leurs pensées et de leurs expériences, ou d’affirmation de soi, lorsque les adolescents obtiennent de l’aide pour « se relever » du rejet social ou de l’isolement (44,54,55). Dans un récent sondage réalisé en Grande-Bretagne, 68 % des répondants adolescents affirmaient avoir reçu du soutien social en ligne pendant des périodes difficiles (39,56). Les médias sociaux peuvent permettre d’éviter l’ostracisme et se révéler des plateformes sécuritaires et accueillantes pour explorer sa sexualité et son identité (48).
Une utilisation modérée des écrans (de deux à quatre heures par jour) a des effets positifs sur le bien-être, définis comme des émotions positives, un bon fonctionnement psychosocial et un sentiment de satisfaction face à la vie (39).
La communication en ligne peut encourager les adole-scents isolés ou socialement anxieux à se révéler auprès de leurs camarades et de nouveaux contacts, ce qui peut accroître l’impression d’entretenir des relations sociales et réduire les symptômes dépressifs. Selon ces observations, les effets positifs des communications en ligne seraient plus importants chez les adolescents qui ont moins de soutien social ou qui sont moins à l’aise de socialiser directement (18,35,45–47,54,55,57–58).
Les études sur les jeux vidéo d’action en ligne chez les enfants plus âgés et les adolescents démontrent que certains jeux entraînent des augmentations à court terme de certaines habiletés cognitives, y compris l’attention, le traitement visuel et le processus de représentation (20,59), mais tout particulièrement la fonction exécutive et la mémoire de tra-vail visuospatiale (8,20,60). Des recherches récentes relient de plus en plus les jeux vidéo à une augmentation du bien-être, de la résolution de problèmes, des relations positives en groupe et de l’activité physique (17,19,25,39,61,62).
Les risques
La prise de conscience des parents à l’égard des activités en ligne de leurs enfants et leur participation à ces activités sont des éléments clés pour modérer l’utilisation excessive et d’autres comportements à risque (4,5,63). Cependant, au moins une étude laisse supposer une diminution des règles familiales régissant l’utilisation des écrans (particulièrement après la septième année chez les garçons), les rencontres directes de connaissances faites en ligne et l’exploration de sites inappropriés (5).
De nombreux adolescents déclarent passer « trop de temps » en ligne. La moitié des élèves d’une grande étude menée en 2016 aux États-Unis ont déclaré se sentir « dépendants » de leur appareil mobile (64). De plus, l’envoi (ou la réception) de messages instantanés au contenu négatif est corrélé avec des symptômes internalisés d'anxiété ou de troubles dépressifs (65).
On constate une association faible, mais significative, entre un temps d’écran excessif (plus de six heures par jour) et des sentiments de dépression chez les adolescents (17,21,38). Selon une étude néerlandaise, les adolescents qui ont peu d’amis proches ou qui n’en ont pas du tout et qui naviguent passivement en ligne (plutôt que de former des liens avec les gens) vivent plus de dépression et d’anxiété sur une période d’un an (35). Les adolescents qui déclarent avoir des amitiés plus solides ne présentent pas d’effet de ce genre (17,35,38).
La multiplication fréquente des activités médiatiques est liée à de moins bons résultats en anglais (langue première) et en mathématique, à une moins bonne mémoire de tra-vail, à une moins bonne attention soutenue et à une plus grande impulsivité chez les adolescents (32,60,66,67). Plus de la moitié des élèves des États-Unis déclaraient uti-liser les médias sociaux souvent ou parfois pendant qu’ils faisaient leurs devoirs (68), et selon certaines recherches, les adolescents les plus enclins à multiplier couramment les activités médiatiques pourraient être les moins en mesure de poursuivre un apprentissage efficace (60).
D’après les études, le temps consacré aux jeux vidéo en ligne a un effet, mais seulement à très fortes doses. Les adolescents qui consacrent plus de 50 % de leur temps libre quotidien à jouer à des jeux en ligne signalent des effets légèrement négatifs sur leur bien-être global, de même que des troubles des conduites, de l’hyperactivité, des problèmes avec leurs camarades et des troubles émotionnels (17,19). Ainsi, après un certain seuil, l’influence positive des jeux vidéo diminue ou disparaît (17).
Puisqu’à l’adolescence, le cerveau n’a pas encore atteint la maturité nécessaire pour permettre de pleinement contrôler les impulsions, réguler les émotions et évaluer les risques et les conséquences, les adolescents peuvent être prédisposés sur le plan du développement à prendre des risques en ligne (69,70). Les adolescents socialement anxieux ou dépressifs communiquent plus souvent en ligne avec des étrangers (46,53,54) et ont tendance à se révéler davantage (44). Tant les garçons que les filles divulguent de l’information personnelle en ligne (17,43,44). D’après un sondage canadien, 43 % des élèves de la quatrième à la onzième année ont pris contact en ligne avec des personnes qu’ils ne connaissaient pas hors-ligne, et 29 % ont affiché leurs coordonnées (les garçons plus que les filles). Malgré tout, presque tous les garçons (90 %) et les filles (89 %) étaient d’accord avec l’énoncé « Je sais comment me protéger en ligne » (5).
Dans les maisons où de nombreux appareils sont utilisés, les parents ont l’impression que les membres de la famille passent moins de temps ensemble et sont moins proches les uns des autres; trop de technologie peut éroder les liens familiaux (49).
LES EFFETS SUR LA SANTÉ PHYSIQUE
La distraction est le risque le plus immédiat des écrans sur la santé physique (textage ou port d’écouteurs) pendant la conduite automobile, la marche, le jogging ou le vélo. Les recherches révèlent invariablement que l’utilisation des écrans peut nuire aux indicateurs de la santé mesurés systématiquement (41), tels que le poids et le sommeil.
L’activité physique
Les écrans en eux-mêmes ne remplacent pas directement l’activité physique, mais les recherches tendent à confirmer que les adolescents déjà inactifs passent plus de temps à les utiliser (17,41,71). Des données à jour indiquent également que le temps d’écran a plus d’effets sur la santé que l’ensemble du temps sédentaire. Cependant, bien qu’il existe une association significative entre, d’une part, l’utilisation d’écrans et l’écoute de la télévision et, d’autre part, une composition corporelle défavorable et des mesures de forme physique moins élevées (41,72), cette relation n’est pas forcément causale ni unanime (41,73). Par exemple, selon une étude canadienne auprès d’élèves de neuf à onze ans, l’augmentation du temps d’écran était liée à de légères réductions de l’activité physique et à un régime alimentaire légèrement moins sain (74), mais une étude longitudinale auprès de jeunes de 11 à 13 ans indiquait que les activités sédentaires à l’écran n’engendraient pas une diminution de l’activité physique récréative (17,75,76). Une récente étude longitudinale auprès de jeunes de 14 à 24 ans a révélé une relation positive entre l’utilisation modérée d’Internet (une à quatre heures par jour) et la participation à des activités sportives et à des clubs (77).
Le poids
Par rapport aux données mitigées répertoriant les effets de l’utilisation des écrans sur le taux d’activité physique, le lien entre la consommation d’aliments pendant cette utilisation (78–81) et la prise de poids est plus clair (41). Chez les enfants et les adolescents, l’écoute de la télévision est inversement proportionnelle à la consommation de fruits et de légumes, mais proportionnelle à l’apport énergétique total et à la consommation de boissons, de collations et d’aliments prêts à manger (fast food) riches en calories, le degré d’association étant faible à modéré dans les études auprès d’enfants (82). Plusieurs études récentes (82–88) relient le comportement sédentaire devant des écrans à un apport alimentaire malsain. Par ailleurs, l’écoute de la télévision peut supprimer les signaux de satiété (82), et les publicités d’aliments prêts à manger, de boissons sucrées et de restaurants contribuent à l’apport alimentaire (78). Ainsi, le régime alimentaire et le comportement sédentaire chez les jeunes expliquent peut-être mieux les associations entre le temps d’écran et la prise de poids que la substitution de l’activité physique (41,82).
Le sommeil
Les écrans dans les chambres à coucher nuisent à la durée et à la qualité du sommeil. Le nombre de téléviseurs dans les chambres à coucher a diminué ces dernières années, mais la présence d’autres écrans a augmenté (74,78,88–90), En 2014, 39 % des élèves canadiens qui avaient un téléphone cellulaire (garçons et filles) déclaraient dormir avec, y compris 51 % en onzième année et 20 % en quatrième année (5). Les données probantes s’accumulent pour démontrer que les nouvelles technologies, conjointement avec la télévision, supplantent le temps de sommeil, ce qui entraîne une stimulation émotionnelle, inhibe la libération de mélatonine et perturbe les rythmes du sommeil (44). Une étude (91) a établi l’association entre le fait d’essayer de dormir près d’un téléviseur (ou lorsqu’un téléviseur est dans la pièce) ou la participation à un jeu vidéo ou informatique avant le coucher et une diminution de la durée du sommeil et à une insuffisance autodéclarée de sommeil ou de repos. Les jeux sur téléphone mobile au coucher ont le même effet (92).
Les bienfaits potentiels
Certaines activités à l’écran favorisent l’activité physique. Les études relient les jeux d’entraînement (p. ex., boxe sur la Wii) à une augmentation de l’activité physique, de la dépense énergétique, de la consommation d’oxygène et de la fréquence cardiaque, de même qu’à une hausse de l’activité physique totale et à une diminution du tour de taille et du temps sédentaire (39,93–95).
Les technologies numériques qui contribuent à faire le suivi du taux d’activité physique, à contrôler le poids et à améliorer le régime alimentaire favorisent de saines habitudes de vie (78,96). Les activités à partir d’un téléphone intelligent, comme la géocachette, encouragent l’activité physique (39). Un récent sondage canadien a établi que 20 % des filles et 16 % des garçons cherchaient de l’information en ligne sur les questions liées à la santé physique (5), notamment pendant leurs années au secondaire.
Les jeux vidéo actifs peuvent accroître l’activité physique et réduire les mesures de l’obésité à court terme, surtout dans le cadre d’un programme complet de contrôle du poids et lorsqu’ils sont joués en équipe (78).
Les risques
Le textage pendant la conduite automobile, qui pose un grave danger, est une pratique beaucoup trop fréquente chez les adolescents plus âgés (65). Dans un récent sondage, plus de 33 % des élèves de dixième à douzième année ont déclaré avoir texté au moins une fois en conduisant au cours de l’année précédente. En douzième année, ce pourcentage était passé à 46 % (97).
Le lien entre l’exposition aux médias sur écran et le risque d’obésité chez les enfants et les adolescents dépend de multiples facteurs (qui peuvent être modifiables) : comportements sédentaires, temps d’écran, consommation d’aliments pendant l’utilisation des écrans, publicité sur les aliments et les boissons et diminution des heures de sommeil (78,98).
La présence de médias dans la chambre à coucher s’associe à une augmentation du temps sédentaire, du risque d’obésité et du risque cardiométabolique ainsi qu’à une diminution du taux d’activité physique et des heures de sommeil (99).
Le report du coucher et la diminution des heures de sommeil s’observent dans tous les groupes d’âge à l’utilisation de tous les types de médias, et ces comportements ont des effets négatifs sur l’apprentissage, la mémoire, l’humeur et le comportement (100).
Même les enfants qui ne sont pas des utilisateurs excessifs des médias sur écran ont déclaré avoir vécu des problèmes oculaires et des céphalées, avoir oublié de manger et avoir ressenti de la fatigue (101). Les ophtalmologistes cana-diens ont récemment souligné la nécessité de faire des pauses régulières lors de l’utilisation prolongée des écrans, de fixer des limites en fonction de l’âge et des besoins et d’instaurer une heure sans écran avant le coucher (102).
On commence à observer plus couramment des microtraumatismes répétés ou des problèmes musculosquelettiques en pratique clinique.
L’envoi et la réception de fréquents messages instantanés peuvent empiéter sur le sommeil (97,103,104). Les enfants peuvent être plus vulnérables que les adolescents aux réponses physiologiques de la stimulation du système nerveux central et des perturbations du sommeil (26).
Il y a une corrélation entre l’utilisation des médias sociaux et l’anxiété liée à l’apparence, les inquiétudes relatives à l’image corporelle et les troubles alimentaires à l’adolescence (104–106).
RECOMMANDATIONS
Les familles, et les enfants ou les adolescents qui en font partie, ont diverses préoccupations au sujet des médias numériques. Les enjeux de santé mentale et physique associés à l’utilisation d’écrans font partie intégrante des sujets à aborder lors des bilans de santé, mais les recherches sur les effets directs ou la causalité se poursuivent.
Pour promouvoir l’utilisation saine des médias numériques, les dispensateurs de soins peuvent conseiller à chaque famille de se rappeler les quatre principes suivants :
GÉRER l’utilisation des écrans. Donner les conseils suivants aux parents :
Faire un plan médiatique familial, le revoir ou le réviser régulièrement et y inclure des limites de temps et de contenu pour chaque membre de la famille.
Être présent et participer lorsque les enfants et les adole-scents utilisent les écrans et, dans la mesure du possible, regarder le contenu et en discuter avec eux.
Décourager la multiplication d’activités médiatiques, particulièrement pendant la période des devoirs.
S’informer des contrôles parentaux et des réglages de sécurité.
Obtenir les mots de passe de l’enfant ou de l’adolescent et les codes de connexion aux comptes de leurs appareils et des médias sociaux pour s’assurer de leur sécurité en ligne et pour suivre leurs profils et activités en ligne en cas d’inquiétudes.
Parler de manière proactive aux enfants et aux adolescents des comportements acceptables et inacceptables en ligne.
Favoriser une utilisation CONSTRUCTIVE des écrans. Demander aux parents de prendre les mesures suivantes :
S’assurer que les activités quotidiennes (interactions personnelles, sommeil et activités physiques) ont la priorité sur l’utilisation des écrans.
Prioriser des activités à l’écran qui sont pédagogiques, actives ou sociales de préférence à celles qui sont passives ou asociales.
Aider les enfants et les adolescents à choisir un contenu adapté à leur développement et à reconnaître les contenus ou les comportements problématiques.
Faire partie de la vie médiatique des enfants. Par exemple, participer aux jeux vidéo et s’informer de leurs expériences Orphan.
Préconiser que les écoles, les centres de la petite enfance et les programmes parascolaires envisagent de créer leurs propres plans de littératie numérique et d’utilisation des écrans.
DONNER L’EXEMPLE d’une saine utilisation des écrans :
Encourager les parents à examiner leurs habitudes médiatiques et à planifier du temps pour les loisirs, les jeux et les activités extérieures.
Rappeler aux parents et aux adolescents les dangers du textage ou du port d’écouteurs pendant la conduite automobile, la marche, le jogging ou le vélo.
Encourager des périodes quotidiennes sans écran pour toute la famille, particulièrement lors des repas familiaux et pour la socialisation.
S’assurer que les écrans sont éteints lorsqu’ils ne sont pas utilisés, y compris le téléviseur en arrière-plan.
Rappeler aux parents et aux adolescents d’éviter les écrans au moins une heure avant le coucher et décourager l’utilisation récréative des écrans dans la chambre à coucher.
SURVEILLER les signes d’utilisation problématique des écrans à tout âge, y compris les suivants :
Le jeune se plaint de s’ennuyer ou d’être malheureux s’il n’a pas accès aux technologies.
Le jeune adopte un comportement oppositionnel si on lui impose des limites de temps à l’écran.
L’utilisation des écrans empiète sur le sommeil, l’école ou les interactions personnelles.
Le temps d’écran nuit aux jeux hors-ligne, aux activités physiques et à la socialisation en personne.
Des émotions négatives surgissent après les interactions ou les jeux vidéo en ligne ou après le textage (107).
Informer les parents qu’il faut s’attendre à des manifestations occasionnelles de ces signes, qui ne sont pas nécessairement indicateurs d’une utilisation problématique des écrans.
Les documents de principes et points de pratique de la Société canadienne de pédiatrie sont révisés régulièrement et modifiés au besoin. Consultez la page www.cps.ca/fr/documents du site Web de la SCP pour en obtenir la version la plus à jour. Les documents obsolètes sont retirés du site.
Remerciements
La préparation du présent document de principes a été rendue possible grâce à une subvention sans restrictions de TELUS Averti. Les comités suivants de la Société canadienne de pédiatrie l’ont révisé : comité de la santé mentale et des troubles du développement, comité de la pédiatrie communautaire et comité de la santé des Premières nations, des Inuits et des Métis. Le groupe de travail remercie Jennie Strickland d’avoir rédigé les versions préliminaires du document de principes, et Roxana M. Barbu d’avoir procédé à l’analyse bibliographique.
GROUPE DE TRAVAIL SUR LA SANTÉ NUMÉRIQUE DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE
Présidente :Michelle Ponti MD
Membres : Stacey A. Bélanger MD, Ph. D. (représentante du conseil de la SCP, sous-comité des communications et de l’application des connaissances et groupe de travail de santé mentale); Ruth Grimes MD (représentante du conseil de la SCP et vice-présidente); Janice Heard MD (comité consultatif de l’éducation publique de la SCP); Matthew Johnson (directeur de l’éducation, HabiloMédias); Elizabeth Moreau (directrice, communications et application des connaissances de la SCP); Mark Norris MD; Alyson Shaw MD (groupe de travail de la petite enfance de la SCP et présidente, groupe consultatif de promotion de la littératie); Richard Stanwick MD; Ellie Vyver MD (présidente, comité de la santé de l’adolescent de la SCP); Lisette Yorke MD